Gaslighter

Gaslighter

Longtemps avant-gardistes, les Chicks ont vu l’état du monde finalement coïncider avec leur vision des choses. En effet, 14 ans après Taking the Long Way (sous le nom de The Dixie Chicks), alors que l’activisme politique prend de l’ampleur sur de nombreux plans, elles sortent Gaslighter, un album puissamment en phase avec son époque. Voici maintenant 17 ans que leur chanteuse principale, Natalie Maines, soutenue par les sœurs Emily Strayers et Martie Maguire, a pris le risque de perdre une partie de leur public en prenant position contre George W. Bush et sa décision d’envahir l’Irak. Avec ce choix controversé à l’époque, surtout pour des fans largement conservateurs, elle s’est vue désignée, avec son groupe, persona non grata par le milieu de la country. Leur album précédent, porté lui aussi par un fort engagement politique, leur a valu plusieurs Grammys mais un complet dédain de la part de Nashville. S’arrogeant désormais les services de Jack Antonoff, le producteur pop de Taylor Swift et de Lorde, ainsi que du gratin du songwriting (Justin Tranter, Julia Michaels, Teddy Geiger), les Chicks ne sont toujours pas près de faire profil bas. La chanson-titre, hymne subversif comme les Chicks savent si bien les faire, envoie balader un ex un peu trop jaloux… À moins que ce ne soit l’actuel président des États-Unis qui soit pris pour cible. Si elles se sont inspirées, pour « March March », d’une manifestation où elles se sont rendues en famille, impossible de ne pas faire le parallèle, en voyant le clip, entre leur message émancipateur et celui du mouvement Black Lives Matter. Le reste de l’album est dans la même lignée, mêlant le politique et le personnel avec des messages d’espoir et d’encouragement s’adressant à leurs enfants (« Young Man », « Julianna Calm Down »), à leurs ex-maris (« Tights on My Boat », « Hope It’s Something Good ») ou encore à elles-mêmes (« For Her »). « Ça faisait longtemps qu’on y pensait et qu’on écrivait là-dessus », confie Emily Strayer à Apple Music. « Mais l’actualité a plus ou moins fini par rattraper ce qu’on se disait – que ce soit le mouvement #MeToo ou ce qui se passe en ce moment avec Black Lives Matter. Donc il y a certes une part de hasard, mais je pense aussi que ce genre de choses est assez cyclique. C’est peut-être à la une des news en ce moment, mais ces problématiques ont toujours existé. » Les Chicks reviennent pour Apple Music sur la réalisation de l’album et sur ce qui a inspiré certains des titres les plus marquants. Gaslighter Natalie Maines : « C’est la première chanson qu’on a écrite avec Jack Antonoff, qui a produit la majeure partie de l’album. Je sais que c’est moi qui ai eu l’idée du mot “gaslighter” et d’une partie des paroles que j’ai notées dans un carnet, je me souviens aussi que j’avais envie d’écrire sur le gaslighting, mais je suis sûre que c’est Jack qui a eu l’idée de commencer avec le refrain a capella. » Martie Maguire : « Je me rappelle qu’il avait adoré ce mot et que tu avais dû lui expliquer ce que ça voulait dire. Dès le début, je l’ai trouvé super impressionnant. Il a commencé à jouer quelques notes et à chanter ce mot, et en un clin d’œil on commençait à enregistrer. Au final, on l’a enregistré en cinq minutes à peine. » NM : « Et c’est devenu la chanson-titre tout simplement parce qu’il y a seulement quelques années, la plupart des Américains ne savaient pas ce que ça voulait dire. Moi je l’ai découvert en thérapie. On n’a jamais envisagé d’autre titre pour l’album, parce que c’est vraiment un mot qu’on a beaucoup entendu avec Trump au pouvoir. On trouvait que c’était le terme idéal pour résumer notre époque. » Texas Man NM : « C’était pas la fois où Julia Michaels est venue à la maison et s’est posée avec une bande magnétique ? Elle a une manière bien particulière d’écrire des mélodies. On fait passer la bande, et elle se lance. Elle peut passer une demi-heure comme ça, à improviser sur une boucle. » Emily Strayer : « Vous vous souvenez comment on a enregistré les voix ? C’est littéralement le plus petit placard. » NM : « Ma penderie ! » MM : « C’est une chanson pour Natalie. On voulait l’aider à retrouver son groove. On n’y est pas encore, mais peut-être que cette chanson apportera cette énergie. For Her ES : L’idée, c’est de s’adresser à l’enfant et l’adolescent(e) qu’on était et de lui donner quelques conseils avisés. On l’a écrite avec Ariel Rechtshaid et Sarah Aarons. On était avec plusieurs paroliers dans la même salle, dans un studio très sombre, un peu miteux, et je me rappelle qu’à un moment je me suis sentie vraiment épuisée. Il y avait vraiment un climat morose et beaucoup de fatigue. C’était pas là où Michael Jackson avait enregistré Thriller ? Il avait fait construire une espèce de cabine pour Bubbles, avec une petite fenêtre. C’est marrant d’imaginer un chimpanzé regarder à travers la vitre. Sarah était hilarante, elle a vraiment une grosse dose d’autodérision. Elle enchaînait les vannes à la minute, elle a une personnalité dingue et ses paroles – c’est pas pareil d’écrire avec une femme, de pouvoir écrire ce genre de textes féminins avec une autre femme. » NM : « Ça a vraiment été un moteur pour ces paroles-là, ça ne fait aucun doute. Et une fois qu’elle est lancée, c’est comme un train de paroles qu’on ne peut pas arrêter et qu’on n’a d’ailleurs pas envie d’arrêter. Rien qu’avec cette session, on a trouvé plein d’alternatives, et on a gardé une grande partie de ses paroles, même si on en a changé quelques-unes pour poser un peu notre patte sur la chanson. Sarah Aarons n’avait même pas besoin de nous. » MM : « Et elle était parfaite pour écrire pour la voix de Natalie, parce qu’elle a elle-même une voix très puissante et qu’elle peut faire le même genre d’acrobaties vocales. Il y a peu de gens qui ont les mêmes capacités que Natalie et qui ont les mêmes inflexions. » NM : « Et puis, même si je dis pas que je suis comme ça, j’adore sa façon de ressentir les choses. C’est une chanteuse qui a un vrai supplément d’âme. Ça serait intéressant de réécouter ces enregistrements originaux, parce qu’elle a mis beaucoup d’émotion dans sa voix et dans son interprétation, et j’avoue que je lui en ai piqué un peu. » March March NM : « On a emmené nos enfants faire la March for Our Lives [des manifestations plaidant pour une meilleure régulation des armes à feu aux États-Unis] à Washington. Ça m’a tellement marquée. C’était la première fois que je participais à une manifestation aussi massive. Et on n’y était pas en tant qu’artistes, on faisait partie de la foule, j’étais avec mes filles sur mes épaules. Ça nous a beaucoup apporté, toute cette énergie. On n’a pas voulu axer la chanson uniquement sur cette marche en particulier, alors dans les couplets on parle d’autres choses qui comptent pour nous. » ES : « Ça faisait longtemps qu’on y pensait et qu’on écrivait là-dessus. Mais l’actualité a plus ou moins fini par rattraper ce qu’on se disait – que ce soit le mouvement #MeToo ou ce qui se passe en ce moment avec Black Lives Matter. Donc il y a certes une part de hasard, mais je pense aussi que ce genre de choses est assez cyclique. » NM : « On n’a pas besoin d’être soutenu par beaucoup de gens si on est du bon côté de l’histoire. On a voulu donner aux gens la force de se battre pour ce en quoi ils croient. Sauf si vous défendez le racisme, dans ce cas-là ne faites rien [rires]. Savoir ce qui est juste, agir pour le défendre, en parler, être sa propre armée ; pas besoin de suivre le mouvement ou de faire partie d’un groupe si vous êtes profondément sûr de savoir ce qui est juste. » My Best Friend's Weddings ES : « C’est mon mariage… mes mariages. » NM : « Ouais, tout le monde persistait à l’appeler “My Best Friend's Wedding” et j’arrêtais pas de les corriger pour dire : “Non, c’est mariages avec un ‘s’.” Sur l’album, il y a trois chansons – dont “My Best Friend's Weddings” – qu’on a principalement écrites à Kauai, et qu’on appelle du coup les chansons d’Hawaii. On a passé trois semaines là-bas, toutes ensemble, à faire cet album. On faisait l’aller-retour entre le studio et ma maison, et c’était aussi des vacances en familles. On s’est vraiment amusées, il y a du ukulélé sur certaines chansons, et avec un casque on peut entendre les oiseaux gazouiller, les vagues et même un coq. » Julianna Calm Down MM : « Je dois reconnaître que ça fait partie des chansons que Julia aurait peut-être bien aimé garder pour elle-même, mais quand on l’a entendue, on s’est jetées dessus. Natalie est rentrée chez elle pour retravailler les couplets et les adapter à notre famille proche, nos nièces et nos cousins. Au début ça s’appelait “Julia Calm Down” – elle parle de sa respiration et elle prend un temps pour se dire que les choses vont peut-être pas si mal tourner. Mais Nat l’a complètement remaniée pour en faire une chanson avec des conseils adressés à nos filles et à nos nièces. » NM : « Quand Jack lui a dit qu’on l’avait réécrite et lui a demandé si on pouvait quand même avoir la chanson, elle était en mode : “Ok, elles peuvent prendre les couplets et le pont. Mais je vais garder le refrain et le retravailler.” Et moi, j’étais là : “Non, non, non !” On a un peu louvoyé pour garder toute la chanson pour nous. »

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