The Jazz Scene

Fort du succès du JAPT, Norman Granz, alors producteur et imprésario chez Mercury Records, décide, vers le milieu des années 1940, de créer une grande collection dédiée au jazz américain. Il produit un coffret exhaustif, réunissant de nombreux albums, mais aussi des photographies, des biographies et des récits replaçant le jazz dans son contexte. Seules 5 000 copies sont publiées, chacune portant un numéro et la signature de Granz. Ce projet, intitulé The Jazz Scene, est une initiative d’envergure, ayant pour ambition de rassembler l’intégralité des classiques du genre. Il reste à ce jour une référence inégalée, sur laquelle figurent certains monuments du jazz, déjà célèbres à l’époque, tels que Duke Ellington, Coleman Hawkins et Lester Young, aux côtés d’artistes émergents comme Charlie Parker ou Bud Powell. The Jazz Scene a contribué à donner au jazz ses lettres de noblesse, un genre dont l’étude requiert une approche quasi anthropologique. En explorant la richesse et la diversité des compositions et des interprétations, cet ouvrage parvient aussi à capturer un moment charnière, alors que le jazz s’émancipe des règles du big band et du swing pour faire place à l’improvisation et à de nouvelles figures rythmiques à travers le bop. Tournant musical décisif, cette période voit naître « Introspection », la superbe orchestration de Ralph Burns, et « The Bird » de Charlie Parker. Ce nouveau courant fait également place aux premières influences afro-cubaine (avec le « Tanga » de Machito) et aux mélodies enchanteresses de Billy Strayhorn au piano. On découvre également « Picasso », une composition onirique et mystérieuse de Coleman Hawkins, qui deviendra bientôt l’un des plus grands solistes de jazz au saxophone. Ce projet témoigne de la réussite de Granz qui a su, durant toute sa carrière, donner une indépendance complète aux artistes en leur permettant de travailler à leur rythme, avec une totale liberté quant au choix des styles et des répertoires. C’est dans ce contexte que le jazz a pu commencer à s’exprimer et à revendiquer une place légitime au sein de la culture populaire américaine.