Thin Mind

Thin Mind

Lorsque les membres de Wolf Parade ont commencé à imaginer leur album Thin Mind, ils savaient que le projet se ferait sans le bassiste Dante DeCaro. Suite au départ de celui-ci, le groupe art rock fondé à Montréal reviendrait à sa formation originale, dans laquelle Spencer Krug se chargeait du registre bas avec son clavier. « De bien des manières, on était en terrain connu. On n’avait qu’à se souvenir de comment c’était à l’époque », explique Krug à Apple Music. « On s’est rapidement rappelé de la quantité imposante de son qu’on arrive à générer à trois. » Thin Mind est un retour aux sources de plus d’une façon : ses deux collègues étant désormais établis sur l’île de Vancouver, le guitariste Dan Boeckner a lui aussi dû revenir au lieu où il a grandi, pour plusieurs mois d’écriture et d’enregistrement en plein hiver. Le résultat est un regard profondément introspectif et riche en textures sur notre façon de vivre dans un monde chaotique. « C’est difficile de créer un foyer stable quand on a constamment à l’esprit que tout est très temporaire », ajoute Boeckner. « C’est dur d’épargner pour une mise de fonds sur une maison alors qu’on se demande si un tel endroit sera vivable du point de vue géographique dans quelques décennies. C’est le courant psychologique qui imprègne 2019 et 2020, selon moi. » Boeckner et Krug nous guident à travers leur album, chanson par chanson. Under Glass Dan Boeckner : « Il y a une référence directe à Meghan McCain dans celle-ci : “the useless sons and daughters of the criminal class” (les enfants inutiles de la classe criminelle). J’ai écrit ça après avoir été sursaturé de ses commentaires toxiques. Pendant trois ou quatre mois, à la fin de 2018, même si personne ne lui demandait son avis, Meghan McCain donnait son mot à dire sur presque tous les grands sujets abordés par les supposés experts des médias. On a tous vécu l’ère Bush, et je m’étais consciemment déconnecté de la majorité de ce qui se passait à ce moment-là. Aujourd’hui, tandis qu’on traverse une époque étrange et statique, je veux au contraire tout absorber et vivre pleinement cette période afin de pouvoir m’en souvenir quand elle sera terminée. » Julia Take Your Man Home Spencer Krug : « J’avais ce texte dans ma poche arrière depuis quelques années. C’est en quelque sorte un tour de passe-passe d’auteur-compositeur-interprète : c’est une demande de pardon à Julia, mais racontée ironiquement à travers divers exemples de comportements niaiseux qui mènent à cette demande de pardon. Sauf que ce n’est pas vraiment une chanson d’amour. C’est plutôt une introspection sur le dégoût de soi-même. Et soyons clairs : le chanteur, ce n’est pas moi. J’ai écrit des paroles pour le narrateur de ce poème ou le chanteur de cette chanson. Donc, dans un sens, c’est un peu comme une petite histoire qu’on peut lire n’importe quand. » Forest Green DB : « Quelque chose m’est arrivé à quelques reprises pendant ce projet : l’atmosphère de la musique dictait l’atmosphère des paroles. Le fait d’être revenu sur l’île de Vancouver a provoqué chez moi des sentiments contradictoires. Tout le monde devait être tanné de m’entendre me plaindre des mêmes choses sur cet endroit où ils vivent au quotidien. J’ai donc décidé de réunir tout ça dans cette chanson. J’ai imaginé une superposition de l’île de Vancouver telle qu’elle existe maintenant et d’une version future du même endroit. » Out of Control SK : « Le titre dit tout. Ça parle du fait qu’on ne peut pas vraiment contrôler sa vie. Les personnages de ce texte se sont établis quelque part avec un plan en tête. Mais une fois installés dans ce nouvel environnement, ils réalisant que leur plan ne se concrétisera jamais. C’est ce que je vis moi-même en ce moment sur l’île de Vancouver, ce questionnement constant sur ce qui est bon pour moi et la futilité de me poser ces questions, puisque, en fin de compte, je ne peux pas contrôler tous les aspects de ma vie. L’amour et notre dévouement envers les autres peuvent parfois nous mener vers un endroit où on ne se serait jamais retrouvé autrement. C’est précisément cette partie de nous-même qui est hors de notre contrôle. On ne choisit pas qui on aime, n’est-ce pas? » The Static Age DB : « Je lisais un recueil de nouvelles intitulé The King in the Golden Mask (Le roi au masque d’or) de Marcel Schwob. Il écrit de la perspective de quelqu’un qui vit dans un empire sur le point de s’effondrer. Je voulais utiliser le personnage principal de la nouvelle éponyme et le faire vivre dans cette chanson, car je trouvais que c’était une métaphore parfaite pour un dirigeant qui est complètement déconnecté de son peuple. On a vraiment l’impression que chaque jour est identique au précédent, mais légèrement pire. Je tenais quand même à ce que le ton ne soit pas totalement désespéré et je crois qu’il y a un élément d’espoir, montrant qu’un changement est encore possible. » As Kind as You Can SK : « Voici trois chapitres différents qui arrivent à la même conclusion : celle du refrain (“Be as kind as you can”, sois le plus gentil possible). C’est la première décision que j’ai prise en écrivant ce texte. En toute honnêteté, j’ai vraiment eu de la difficulté à décider si j’allais le garder. Il est vraiment naïf, dans un sens. Mais à mesure qu’on avançait dans le processus d’enregistrement, j’ai réalisé que c’est précisément cet aspect que j’aimais tant. C’est quelque chose de très simple et d’universel qu’on peut tous demander aux autres. » Fall into the Future SK : « Un grand nombre de nos chansons ont vu le jour par un coup de chance, quand l’un de nous a trouvé un riff et que les autres y ont greffé leurs trucs pendant une heure. Celle-ci a commencé avec un jam, et la plupart des pièces de l’album sont pareilles, elles viennent d’un effort collectif. À mon avis, c’est la chanson la plus légère de l’album, du point de vue du texte, en tout cas. Elle a une ambiance très “Take a Chance on Me”, qui convient parfaitement à sa musique très légère et amusante, dans la mesure où Wolf Parade est capable d’être léger et amusant. » Wandering Son DB : « C’est la chanson la plus personnelle de l’album, en ce qui me concerne. J’ai voulu écrire au sujet de la manière dont je suis constamment à la dérive en raison de mon travail, entre un éloignement total de ma famille et le retour vers elle, et j’ai transposé ça afin d’y inclure l’expérience que vivent d’autres gens près de moi. La phrase “dissolved on the map” (dissous sur la carte) signifie qu’on n’est jamais vraiment d’un endroit, où qu’on soit. On disparaît dans les paysages où on évolue et on devient éclaté en quelque sorte, à la fois du point de vue émotif et spatial. On essaie donc de faire la paix avec cet état en cessant de le combattre et en assumant l’aspect vaporeux de notre existence. Je suis obsédé par cette idée qu’en tant que musicien, on est constamment en train de hanter notre propre vie. On vit l’expérience de visiter Chicago ou New York comme un reflet de toutes les autres fois où on les a visitées. Le temps passe, la ville évolue, et on y revient. On joue parfois dans la même salle que la dernière fois, on rencontre parfois les mêmes gens avec qui on a travaillé. On n’est que de simples fantômes qui occupent cette immense maison qu’est notre vie. » Against the Day DB : « À un certain moment l’an dernier, on a constaté qu’il y a toujours un côté halloweenesque à Wolf Parade, un côté lugubre, mais pas trop sérieux, comme une maison hantée dans un parc d’attractions. J’en suis très fier. Je crois en fait que c’est l’une des caractéristiques musicales qui définit notre groupe. Pendant qu’on écrivait ce morceau, on s’est dit que, vu de l’extérieur, sur le plan du ton, il ressemblait à une chanson tirée de la bande sonore du film Lost Boys (Génération perdue). J’ai commencé à songer à deux vampires condamnés à la vie éternelle et qui reviennent constamment au même endroit pour constater son évolution au fil du temps. Spencer et moi y échangeons des couplets, et on devrait faire ça plus souvent. » SK : « Wolf Parade a comme tradition de ne pas discuter des textes. C’est une chasse gardée et chaque chanteur a entièrement le contrôle sur ce qu’il va chanter. Celle-ci est le bébé de Dan plus que le mien, alors il a écrit les paroles et je lui ai simplement demandé de quoi ça parle. Il m’a dit : “Ça parle de deux vampires.” Et je lui ai juste dit : “OK, je serai l’autre vampire.” » Town Square SK : « Il y a eu des journées où l’île a reçu une quantité inattendue de neige, et quand il neige beaucoup, tout s’arrête. J’étais coincé chez moi à cause de cela et on a dû laisser tomber l’idée de se rendre au studio pendant quelques jours. Me voilà à la maison, enchaîné à mon bureau, au travail sur mon ordi. Je cherche plein de trucs sur Google, j’écris des courriels et j’essaie de demeurer créatif à l’aide de tous ces outils technologiques. Mais quand je fais ça, je me retrouve toujours dans un état d’esprit très étriqué (thin mind) à la fin de la journée. Je n’ai plus aucune capacité de concentration et je me sens à des années-lumière de mon centre émotionnel et spirituel. Ce morceau parle de se sentir déconnecté du monde humain parce qu’on n’interagit désormais plus avec les autres qu’à travers la technologie. Les véritables interactions humaines perdent leur sens. Ici, le chanteur s’ennuie d’une époque où les gens ne communiquaient pas de cette façon-là. »

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