Formentera

Formentera

Metric a beau être synonyme de dance-punk nerveux et d’électropop couleur néon, le groupe a toujours été, dans son for intérieur, un architecte progressif comme en font foi leurs morceaux en plusieurs actes de leur début comme « Hustle Rose » ou « Empty » ou encore la suite pour synthés cosmiques « The Face » qui clôturait Pagans in Vegas (2015). Dans la même veine, la première pièce de leur huitième parution intitulée Formentera nous propose leur course à obstacles musicale la plus labyrinthique à ce jour. Avec plus de dix minutes au compteur, « Doomscroller » nous plonge d’entrée de jeu dans un paysage rythmique cauchemardesque tandis que la chanteuse Emily Haines se fait la narratrice de saynètes au cœur desquelles se trouve la claustrophobie dont tant de nous avons souffert pendant la pandémie. Après avoir atteint son apogée à mi-chemin de ces dix minutes, « Doomscroller » se transforme en ballade piano aussi douloureuse que réconfortante dont l’ambiance passe de Kid A à Queen et devient en quelque sorte une carte routière du parcours émotionnel thérapeutique qui sillonne l’album. « On n’avait pas envie de faire un album sur la pandémie », a expliqué le guitariste James Shaw à Apple Music. « On voulait en faire un sur la fin de la pandémie. On voulait créer la trame sonore de notre sortie de cet enfer. » Pour Metric, la destination de rêve est devenue Formentera, une des îles Baléares que le groupe avait découverte dans un magazine de voyage qui traînait dans le studio de Shaw situé dans la campagne ontarienne. L’île est devenue leur étoile polaire durant l’enregistrement de l’album en compagnie des producteurs Liam O’Neil et Gus van Go pendant le confinement. Comme l’a raconté Shaw, cet isolement s’est finalement révélé libérateur pour la formation qui entame sa troisième décennie d’existence. « Ce qu’on a réalisé, c’est qu’on peut vraiment faire tout ce qu’on a envie de faire », a dit Shaw avant de se lancer dans une description pièce par pièce du projet. « On a réussi à se bâtir une carrière qui est à l’abri de pas mal de forces extérieures, et c’était très libérateur – du genre, “Ouais! Si on veut, on peut commencer notre album avec une pièce de 10 minutes et demie!” » Doomscroller « On n’avait pas l’intention de créer un morceau de dix minutes et demie. La première moitié est un truc sur lequel Liam et moi avions travaillé et après l’avoir écouté, Emily a chanté sa piste de voix d’une traite. Sauf qu’on trouvait quand même que la chanson avait un côté inachevé et austère. En même temps, c’est clair que le “doomscrolling” [librement : “la consommation ‘boulimique’ de mauvaises nouvelles”] est pas exactement quelque chose de joyeux. On a eu envie d’ajouter une touche de rédemption et Emily est arrivée avec cet autre morceau. On s’est dit “pourquoi on les joindrait pas?” Une fois qu’on a compris la bonne façon de les fusionner, je tenais à ce que la fin soit comme un gros câlin après avoir enduré une épreuve difficile. » All Comes Crashing « On était presque à la fin de l’enregistrement et on avait écrit une tonne de musique. On essayait de créer un beau un bouquet de chansons, mais on savait qu’il en manquait une. À la toute fin du processus, Emily nous a fait écouter, à Gus et moi, trois morceaux qu’elle venait tout juste d’enregistrer au piano et ça, c’était le troisième. Gus et moi, on s’est regardés en se disant “Tu me niaises!?” Sa pièce était la plus directe et évocatrice de tout ce qu’on avait écrit depuis deux ans. Emily parle d’un amour qui n’est pas soumis aux conventions des relations amoureuses hétérosexuelles ou même des relations amoureuses tout court. C’est quand tout chie qu’on découvre réellement qui est cette personne pour toi – ça peut être quelqu’un du voisinage, ton ami·e ou ton chien… » What Feels Like Eternity « Celle-là était plus électronique au départ, mais elle s’est transformée en morceau de groupe, surtout pendant le pont où j’exprime mon admiration pour Johnny Marr. C’est quand on a travaillé sur l’ordre des pièces qu’on a réalisé que la trame narrative commence dans la tourmente et l’angoisse, et cette chanson est l’apogée du stress que tout le monde a ressenti après un an de pandémie et se demandait si ça finirait un jour. On avait l’impression que chaque pas vers l’avant était en fait deux ou trois pas vers l’arrière. » Formentera « Ce qu’on a vécu au cours des deux dernières années est résumé dans cette chanson-là plus que dans n’importe quelle autre. On a réalisé que même si on avait l’impression d’être en contrôle, on l’était pas. Sauf qu’il y a quelque chose de très libérateur quand tu réalises à quel point tu ne contrôles pas grand-chose. Bref, quand tu arrives à ce tournant de l’album, un orchestre te transporte dans l’hédonisme de “Formentera”, l’endroit où on s’évadait en imagination pour échapper à nos soucis. Dans la chanson, Emily dit “Why not just let go?” [librement : “Pourquoi ne pas simplement lâcher prise?”]. Emily est un peu comme le canari dans la mine de charbon du groupe et son texte était un peu comme si elle nous disait “Hé, les gars, venez me rejoindre à Formentera! Je m’y sens libre et c’est pas mal sympathique ici!” » Enemies of the Ocean « Dans cette trame narrative, c’est le moment où tu réalises que c’est OK de poser un regard sur ce qui s’est passé quand tu as enfin trouvé ta paix. Tu n’es plus en pleine tourmente, alors tu peux faire le bilan de ce que tu as vécu, d’où tu es rendu, d’où tu viens et tout ce qui se passe autour de toi. Quand je l’ai réentendue l’autre jour, je me suis dit “Man! On a vraiment écouté beaucoup de Mercury Rev!” » I Will Never Settle « Liam et moi, on était au travail et j’ai ressorti ce petit fragment musical qui date probablement de 2014. On l’a ressuscité en changeant complètement sa “vibe” et on l’a envoyée à Emily. Elle nous a répondu : “OK, vous êtes malades! J’hallucine! J’ai l’impression que j’ai pas le choix d’écrire un texte là-dessus.” En fin de compte, c’est devenu comme un énoncé de mission à mi-chemin de l’album : quand toute ton angoisse et tes démons sont derrière toi, tu as le droit de lever le poing et de dire “Je ne revivrai pas ça et je ne vais pas me contenter de ce genre de vie là. Je sais ce que je vaux et ce dont je suis capable dans la vie.” » False Dichotomy « Pendant un moment, Emily a été obsédée par la notion de fausse dichotomie, de toutes ces choses qu’on te dit mutuellement exclusives et que tu ne peux en choisir qu’une seule, comme le succès et l’intégrité. C’est un peu la suite de “I Will Never Settle”. En gros, le texte dit “Je n’ai pas à être l’un ou l’autre. Je n’ai pas à mourir de faim pour être un·e poète. Je suis capable d’exprimer plus que de l’amour ou de la haine. Rien n’est aussi simple.” C’est quand tu acceptes que la vie est complexe que tu finis par vivre une existence riche et profonde. » Oh Please « C’est une des premières qu’on a écrites à l’été 2020. C’est simplement Emily qui exprime son bonheur de ne pas être retenue par quoi que ce soit. En gros, elle dit “peu importe ce que tu penses que je suis, je suis quelque chose d’autre. Tu ne peux pas me mettre dans une boîte. Tu n’as aucune idée qui je suis, mais moi je sais qui je suis.” » Paths in the Sky « On trouvait important de conclure l’album sur une note paisible après tout le stress du début, mais on voulait aussi laisser les choses un peu en suspens. “Paths in the Sky” est une ode à une véritable amitié. On a tou·tes quelqu’un qu’on peut appeler et simplement dire “rejoins-moi dans le fond du bar” pour lui raconter comment notre vie est de la merde. Cette personne va t’écouter et peut-être te donner quelques conseils que tu ne vas probablement pas suivre! Emily écrit plein de chansons sur l’amitié. Un paquet de monde écrit des chansons d’amour – l’amour a droit à énormément d’attention –, mais l’amitié n’est pas un sujet souvent abordé, pourtant ça devrait l’être. »

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