Tout au long des années 2010, Yoni Ayal, Montréalais d’origine désormais installé à Los Angeles, a produit des chansons pour de grandes stars comme J. Lo et USHER. Avec Chiiild, son nouveau projet, il ne travaille que pour lui-même. En compagnie de son partenaire Pierre-Luc Rioux, il nous propose un premier album qui pousse encore plus loin les sonorités R&B psychédéliques que nous avons découvertes sur le EP Synthetic Soul (2020). Hope for Sale est un amalgame hallucinant de disco, de funk et de pop influencé par Pink Floyd aussi bien que par le Black Messiah de l’artiste R&B D’Angelo. Sa vision en technicolor est enjolivée de charmantes petites touches comme des solos de « trompette à bouche ». « Musicalement, c’est comme être à la recherche d’une émotion qu’on ressentait dans notre jeunesse », explique Yoni à Apple Music. « Je n’avais pas réalisé à quel point la nostalgie fait partie de ma palette sonore. » Hope for Sale peut ressembler à un antidote hédoniste à la panique provoquée par la pandémie, mais Ayal considère plutôt que c’est une capsule sur notre époque. « Je voulais que l’album soit le reflet de ce moment », dit-il. « Si vous vous rappelez cette période en l’écoutant, c’est que mon travail est réussi. Quand je vais réentendre ça dans 10 ans, je vais repenser à aujourd’hui et pour moi, ça va être une expérience très spéciale. J’espère que ce sera pareil pour vous. » Yoni Ayal vous propose donc d’explorer les méandres de votre future nostalgie, pièce par pièce. Sleepwalking « Ici, il est question d’être en contrôle de son existence. C’est mon énoncé de mission, genre : “Hé, je sais pas si tu t’en rends compte, mais tu devrais être en panique, là, parce que tu es un somnambule dans ta propre vie. Tu suis le mouvement et tu fais ce que la société te dit de faire.” Autrement dit, “Sleepwalking” représente l’idée qu’on ne maîtrise pas notre avenir. » Hold on Till We Get There « Cette chanson-là n’aurait jamais vu le jour sans la pandémie. Ça parle clairement de ce qu’on vivait tous, mais je suis optimiste de nature et je regarde presque toujours le bon côté des choses. Alors je me suis dit : “OK, on n’est peut-être pas là où on aurait voulu être, mais tout ce qu’on peut faire, c’est de ne pas lâcher.” La seule différence entre les perdants et les gagnants, c’est que les gagnants ne lâchent jamais. Autrement dit, il faut s’accrocher jusqu’à la fin. » Weightless « On peut prendre “Weightless” au pied de la lettre, genre : “Tu vis un moment difficile; laisse-moi enlever un peu de poids de tes épaules. Établissons une connexion, baisons, peu importe.” En même temps, y a aussi ce concept un peu surréaliste où les cordes embarquent et rendent tout ça très théâtral. T’es en train de discuter avec quelqu’un et tu dis : “Hé, je comprends que t’es dans une mauvaise passe, alors pourquoi on en profite pas pour rêvasser un peu et penser à rien?” La trompette qu’on entend, c’est moi en fait qui en imite une avec ma bouche, une “trompette à bouche”. Je m’amusais. C’est le genre de chose qui se produit dans ces situations-là; t’es avec un ami qui traverse une passe difficile et tu déconnes pour lui changer les idées. C’est ça le message de “Weightless”. » Awake (feat. Mahalia) « J’avais la première moitié de cette chanson et j’explorais toutes sortes de possibilités. Je cherchais mes repères. J’avais le refrain depuis un bout et j’ai contacté Jay Warner, à Londres, pour qu’on mette un peu de viande autour de l’os. Je suis pas le genre à tout donner dans une pièce pour la laisser tomber après. Le processus d’édition est crucial. C’est super important pour moi de confier le montage [de mes pièces] à des oreilles en qui j’ai confiance. Jay m’a aidé à rendre le refrain plus puissant. Je voulais aussi le point de vue d’une femme. J’ai donc appelé Ari PenSmith en téléconférence et je lui ai fait écouter “Awake”. Il m’a dit que selon lui, la meilleure collaboratrice serait Mahalia. C’était juste une semaine avant la date prévue pour le lancement de la chanson! » Eventually « Celle-là aurait facilement pu être sur Synthetic Soul. On la jouait sur scène quand on faisait la première partie d’Emotional Oranges, mais on l’a jamais vraiment finie. On a créé cette pièce le lendemain de “Back to Life” [une chanson de Synthetic Soul]. C’est pour ça qu’elles ont presque la même énergie. “Eventually” raconte ce genre de situation où tu te réveilles un matin et, sans que tu comprennes pourquoi, la connexion entre ton partenaire et toi est brisée, t’es pas sur la même longueur d’onde. Dans ce temps-là, je déconne toute la journée jusqu’à ce que le lien soit rétabli. Bref, la chanson dit en gros : “Je sais que je vais t’avoir éventuellement et que tu vas me reprendre dans tes bras.” » 13 Months of Sunshine « J’adore la musique instrumentale et celle-là est une version modernisée de ce que j’écoutais dans ma jeunesse. C’est psychédélique et dans la gamme pentatonique, aussi. J’essaie de construire un pont entre la musique éthiopienne et Pink Floyd. “Any Colour You Like” est une de mes pièces préférées sur The Dark Side of the Moon. C’est une œuvre instrumentale qui arrive un peu comme par hasard en plein milieu de l’album. Je trouve que c’est un interlude magnifique. Ç’a totalement inspiré mon choix de placer cette pièce au milieu de mon album. » Lotus « J’étais dans une séance Zoom avec ce gars de Toronto qui s’appelle Monsune. Il m’a fait écouter un beat avec un riff de piano. Sa version ressemblait un peu à du Majid Jordan, mais elle était plus entraînante. Je lui ai dit que j’allais bidouiller son beat et lui retourner quelque chose quand ce serait prêt. Le soir même, je lui ai envoyé une chanson qui n’était qu’une longue phrase. Ça s’est écrit tout seul, c’est un peu comme un poème. Après, je l’ai envoyée à Pierre et on l’a rendue plus “panoramique” en montant le volume des émotions. » Gone / Gone Remix (feat. Jensen McRae) « “Gone” est une autre chanson qui s’est écrite toute seule, comme une longue phrase. C’est très simple. Le remix fait aussi partie de l’album, en principe. Ou en tout cas, il appartient à la même époque. Ces enregistrements sont le polaroïd d’un moment dans le temps, dans le genre : “Voici la musique de cette époque bien précise.” C’était la soirée pizza chez moi et je surfais sur Instagram quand je suis tombé sur Jensen McRae qui chantait “Fast Car” [de Tracy Chapman] et je me souviens de m’être dit que la voix de cette fille venait vraiment me chercher. J’ai tout de suite contacté son agent pour lui demander ce qu’il penserait de la faire chanter sur le remix de “Gone”. Si je me rappelle bien, les présentations ont été faites le soir même. Je ne savais pas que le résultat ressemblerait à ce qu’on entend aujourd’hui. Jensen a écrit sa partie et elle dégage cette énergie, alors j’ai décidé de lui faire confiance et de la suivre dans la direction qu’elle avait choisie. Elles sont devenues deux chansons complètement différentes, mais ça reste deux versions de “Gone”! » Wasting Time « Je suis fan de Pink Floyd, je pense que vous le savez. Pendant la pandémie, on est montés à Joshua Tree et j’écoutais tout plein de vinyles. Je sais pas trop pourquoi, mais The Dark Side of the Moon jouait sans arrêt et je ressentais une connexion très particulière avec cet album. C’est là que “Wasting Time” est arrivée. Je tenais à ce que notre projet soit un complément à Synthetic Soul pour que vous viviez cette expérience vraiment dynamique du départ en tournée, plutôt que d’être juste du R&B pur. Y a pas une seule chanson qui me représente à 100 %. Je suis la somme de toutes mes parties et “Wasting Time” fait partie de qui je suis. » The Best Ain’t Happened Yet « Celle-là, c’est comme un dialogue intérieur, quand tu te parles : “Hé, tu te souviens de ce que tu viens juste d’endurer et de toutes les leçons que tu as apprises? Je sais que tu sais que les choses sont parfois difficiles, mais oublie pas que t’as déjà dit à d’autres T’en fais pas, tout va bien aller.” C’est comme ce moment où tu te regardes dans le miroir et que tu te dis : “Yo, je sais qu’on passe un mauvais moment, mais n’oublie pas que le meilleur est à venir.” »"