ALPHA

ALPHA

« Je ne suis pas le genre d’autrice-compositrice qui écrit des chansons tous les jours », explique Charlotte Day Wilson à Apple Music. « Pour moi, la musique est une forme de thérapie et j’en ai pas nécessairement besoin quand je suis heureuse. Quand je me sens heureuse, je sors avec mes amis et je profite de la vie – bref, je me tourne vers l’écriture seulement quand j’en ai besoin. » Même si ALPHA, le premier album complet de la chanteuse et productrice torontoise, est une fois de plus habité par les peines d’amour et l’introspection intense qui rendaient ses EP précédents (CDW, en 2016, et Stone Woman, en 2018) si captivants, elle tire ici parti du format long pour nous proposer un portrait plus « global » d’elle-même. Non seulement y élargit-elle son style, un R&B nocturne et languissant, pour y inclure des grooves soul, des chœurs gospel, des harmonies aux tonalités décalées, des jams indie disco et même des clins d’œil à Neil Young, mais elle s’ouvre, dans ses textes, comme elle ne l’a jamais fait auparavant. Wilson admet volontiers qu’en tant qu’autrice-compositrice, elle « revient toujours vers l’amour comme thème, parce que même si ça peut sembler quétaine, je pense vraiment que les relations amoureuses sont le véritable sens de la vie ». Cependant, contrairement à ses précédentes explorations de cette thématique, les chansons sur ALPHA sont de toute évidence écrites avec une perspective queer, offrant des incursions intimes – encore trop rares, même dans le paysage pop diversifié des années 2020 – dans des relations entre femmes. « J’ai gagné en confiance et je me donne le droit d’être directe quand je chante au sujet de quelqu’un », dit Wilson. « Je ne ressens plus le besoin d’être mystérieuse. Je n’essaie pas d’être révolutionnaire en abordant l’amour entre deux femmes – c’est le genre d’histoire qui devrait faire partie de la norme, de nos jours. En fin de compte, je crée la musique que j’ai le goût d’entendre. » Wilson nous raconte ici son processus de création, pièce par pièce. Strangers « Je trouve que les premiers mots de cette chanson donnent le ton du reste de l’album, de manière un peu intrigante. L’amour non réciproque et la nostalgie sont très présents dans ce projet et je voulais lancer le bal sur une note presque désespérée. C’est moi qui fais tout ce que vous entendez, même les harmonies, pour lesquelles j’ai joué avec le registre de ma voix pour la rendre plus grave. » I Can Only Whisper (feat. BADBADNOTGOOD) « Pour vrai, j’ai écrit une partie de celle-là dans mon sommeil. Je me suis réveillée avec cette phrase en tête – “I can only whisper” [“Je peux juste chuchoter”] – et j’ai pondu tout le reste du texte couchée dans mon lit. Ensuite, j’ai trouvé les mélodies et mon cerveau a tout naturellement placé des accords sur ces mélodies. Tout s’est mis en place d’une manière assez hallucinante. Je l’ai enregistrée quelques fois avec des approches différentes, mais je n’aimais pas le résultat. Je voulais que ça sonne comme une vieille chanson soul et, en fin de compte, je me suis dit qu’il fallait que BADBAD y mettent la batterie et la basse pour que j’obtienne le genre de groove dans lequel ils excellent. C’est ce que vous entendez, au final : la section rythmique de BADBAD, et moi qui joue tout le reste par-dessus cette base. » If I Could « C’est Merna Bishouty [la chanteuse R&B torontoise] qui a écrit ce texte. On a passé une soirée super amusante ensemble après qu’un ami commun nous a présentées et on s’est dit qu’on devrait aller en studio. Je n’avais jamais chanté la chanson de quelqu’un d’autre, mais on a cliqué à plein de niveaux, elle et moi. Elle est queer et on vivait des choses très similaires dans nos relations respectives, à ce moment-là. Quand elle m’a fait écouter une version de cette pièce, j’ai été complètement renversée. Il n’y avait pas beaucoup de personnes gaies dans mon entourage quand j’étais plus jeune. Mes parents me soutiennent à 100 % et ils ont même un drapeau de la Fierté sur leur balcon, mais ils ne m’ont jamais dit quelque chose du genre : “C’est OK si t’es gaie!” On n’a jamais eu ce genre de conversation. Je n’avais personne vers qui me tourner pour parler de ces choses-là. Je suis donc restée profondément enfouie dans le placard jusqu’à ce que je parte pour l’université. Je pense que j’avais une idée du sens que Merna donnait à sa chanson, mais quand moi je la chante, j’ai plutôt l’impression de la chanter à une version plus jeune de moi-même. » Lovesick Utopia « Avant de sortir de la musique sous le nom de Charlotte Day Wilson, j’écrivais beaucoup de folk, c’était ma zone de confort. Je pense qu’une des raisons pourquoi j’en écris presque plus, c’est que j’en ai tellement écrit en privé et que j’avais envie d’évoluer. Sauf que quand je chante des trucs plus folk comme ça, j’ai aussi l’impression de me rapprocher, de façon plus authentique, de celle que j’étais quand j’ai commencé. C’est pour ça que, dans un sens, ce morceau est comme une nouvelle direction pour moi – ou en tout cas pour la perception que les gens ont de mon style – même si, de mon point de vue, c’est très familier. J’étais à mon chalet avec la fille que je fréquentais à ce moment, et elle écoutait souvent “Harvest Moon” de Neil Young. Puis, un matin, j’étais seule dans le bois et j’ai composé cette chanson à la guitare acoustique. » Mountains « J’ai écrit celle-là à L.A. en collaboration avec plusieurs personnes : Brandon Banks, Kyla Moscovich, Teo Halm, Daniel Caesar, Babyface, Mk.gee – y en a tellement que je ne suis pas sûre de pouvoir me rappeler le nom de tout le monde. Ce qui est fascinant avec la création musicale, c’est que des fois, quand t’as fini une chanson, tu sais pas vraiment d’où c’est sorti ou de quoi ça parle exactement. Dans ce cas-ci, plusieurs d’entre nous ont écrit le refrain et ensuite j’ai écrit un couplet toute seule. À ce moment-là, je n’étais pas pleinement consciente que la relation amoureuse dans laquelle j’étais ne fonctionnait pas pour moi. Mais j’ai l’impression que je le savais inconsciemment et c’est ça qui est ressorti : une forme d’honnêteté qu’on n’arrive pas à s’avouer à voix haute. » Danny’s Interlude « C’est Danny [Caesar] qui a écrit ça; j’ai tout de suite trouvé qu’elle ferait une belle conclusion à “Mountains”. Ça crée une belle transition vers “Changes”. » Changes « J’hésite parfois à en parler parce que c’est tellement personnel, mais celle-là raconte mon parcours : la transformation d’une fille qui travaille comme concierge dans une église et qui veut devenir chanteuse en une fille qui réussit à vivre de son art, dans l’œil du public. Disons que c’est un changement assez radical. Il y aura toujours des hauts et des bas, des pour et des contre à ce genre de chamboulement. » Take Care of You (feat. Syd) « J’ai écrit ça à mon chalet et je l’ai fait écouter à Merna – qui a coécrit “If I Could” – quand je suis rentrée à Toronto. Je voulais carrément faire un truc R&B, une chanson d’amour lesbien aussi directe que possible! On a écrit les couplets à la blague, comme si on convertissait l’imagerie religieuse en imagerie gaie. Je ne pensais jamais sortir ça, mais quand je l’ai fait écouter à mes agents, ils étaient comme : “Non, c’est vraiment super bon!” Alors je me suis dit que je devrais peut-être inviter une autre chanteuse à la chanter avec moi. Je savais au fond de moi que Syd serait parfaite. À un moment donné, j’étais à L.A. avec une amie qui travaille avec elle, et elle lui a envoyé ma chanson. Elle l’a adorée et a enregistré son couplet la journée même. Tout dans la création de cette chanson a été simple et amusant, et ça s’entend dans l’enregistrement. » Keep Moving « Je rentrais du chalet – tout semble relié à mon chalet sur cet album! – en compagnie de ma blonde de l’époque. C’était juste après les célébrations de la Fierté et elle s’est dit que ce serait une bonne idée pour un clip de faire un truc avec les Dykes on Bikes. Tous les défilés de la Fierté commencent avec ces vieilles lesbiennes sur leurs motos. Ma blonde me disait que ça serait génial si on faisait un documentaire très beau et léché sur les Dykes on Bikes. Elle disait : “Je suis sûre que personne ne l’a encore fait.” J’adorais son idée. Je lui ai dit que ce serait hallucinant, mais que je ne voyais pas pour quelle chanson je pourrais faire ce clip. J’ai donc écrit “Keep Moving” spécifiquement pour cadrer avec le concept du clip. » Wish It Was Easy « J’étais à L.A. pour travailler avec un producteur incroyable qui s’appelle Dylan Wiggins. On était au studio de Raphael Saadiq et il y a un piano au son hallucinant là-bas. Dylan s’amusait avec quelques accords et j’ai trouvé cette superbe progression. Je vivais toutes sortes de choses sur le plan amoureux à ce moment-là et le texte est sorti en, genre, dix minutes. C’est une de ces chansons qui sont pratiquement de l’écriture automatique. » Adam Complex « Ça, c’est probablement la chanson la plus vulnérable que j’ai jamais écrite. Elle est énigmatique parce que mon cerveau est énigmatique et un peu absurde des fois, et ça paraît dans l’approche presque “automatiste” de ce texte. Je parle d’un sentiment d’infériorité et d’une peur profonde qu’une femme me quitte pour un homme. »

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