Tout au long des années 90 et 2000, Destroyer a essentiellement été un groupe axé sur les guitares. Que le principal auteur-compositeur-interprète (et ex-New Pornographer) Dan Bejar explore les textures soyeuses du glam rock (Streethawk : A Seduction, 2001), qu’il expérimente avec une pop baroque sans percussions ni basse (Your Blues, 2004), ou qu’il orchestre un opus rock grandiose (Destroyer’s Rubies, 2006), les six cordes sont, règle générale, la colonne vertébrale de son travail. Mais tout a basculé en 2011 avec Kaputt. « J’ai rejeté la guitare par dégoût », explique le Vancouvérois à Apple Music, en partie à la blague, mais assez sérieusement malgré tout. Kaputt s’articulait autour des atmosphères et des émotions (à l’aide de synthés soft rock, de basse sans frette et de saxophones jazz pop des années 80) et indiquait sans ambages que Bejar allait changer non seulement sa méthode d’écriture, mais aussi la sonorité de tous ses albums suivants : « J’évite le plus possible d’écrire avec un instrument », dit-il. Ses expérimentations engloberont la musique de chambre et les cuivres sur Poison Season en 2015, puis le new wave apocalyptique sur ken, en 2017, avant de culminer sur le 12e album du groupe, Have We Met, le travail le plus centré, assuré et abstrait de Bejar à ce jour. C’est également son plus sombre, tant sur le plan des textes que des musiques, avec des scènes de violence, d’isolement et d’effroi existentiel qui ont essentiellement été écrites par Bejar dans sa cuisine en pleine nuit. Il a d’ailleurs envoyé les fichiers de ses compositions avec sa voix à ses collègues John Collins et Nicolas Bragg qui y ont ajouté tout le reste – basse, batterie, claviers, guitares et même les textures rappelant un essaim d’abeilles qui clôturent l’album. Malgré toutes ces excursions dans l’inconnu, Have We Met demeure fermement un album de Destroyer avec ses envolées lyriques ultra-littéraires et autoréférentielles et ses arrangements mélodiques qui sont devenus la signature de Bejar. Et peu importe à quel point les choses semblent différentes ici : « Vous pouvez voir venir une pièce de Destroyer à des kilomètres », affirme Bejar. Il nous offre de déchiffrer ses 10 plus récentes créations.