Better in the Shade

Better in the Shade

La première chose qui frappe dans le septième album de Patrick Watson, c’est sa relative concision : avec sept titres d’une durée totale de 22 minutes, le disque peut à peine prétendre au statut d’album. Mais Better in the Shade est tout aussi consistant et fructueux que les productions plus épiques du musicien art-pop montréalais, qui est simplement devenu plus doué pour condenser ses idées audacieuses dans des formats courts. « J’aime l’idée d’albums plus courts », confie Watson à Apple Music. « Ce que je reproche le plus aux longs albums, c’est que tu termines la première moitié, mais le temps d’en finir la seconde t’es devenu une personne différente. Donc, ça donne ce mélange de chansons qui sont un peu difficiles à mettre ensemble. C’est presque impossible de finir un [long] album sur une période suffisamment courte pour qu’il soit vraiment cohérent. » Better in the Shade ressemble au contraire à un cheminement continu et onirique, dont le sens n’est pas toujours facile à déchiffrer, mais qui produit un impact émotionnel profond. Ses morceaux composent une mosaïque tranquille, mais en perpétuelle mutation, avec de délicates ballades au piano, des orchestrations raffinées et des textures de synthé modulaire, ainsi que de nouveaux éléments surprenants qui entrent et sortent du mix comme des silhouettes flottant dans les pièces d’un manoir abandonné. Mais comme le confirme Watson, l’esthétique vaporeuse de l’album sert un objectif très pratique. « Je fais beaucoup de musique tous les jours », affirme-t-il, « donc quand je rentre chez moi, je me demande ce que je veux écouter après une journée de folie... J’ai pas l’énergie pour écouter un long album — je veux juste écouter quelque chose qui m’emmène quelque part, sans trop de trucs derrière. Tout cet album semble humble — les gens peuvent vraiment l’écouter sans que ce soit trop délirant. Je pense que c’était un peu l’objectif de cet album. » Ici, Watson nous guide à travers l’album, piste par piste. Better in the Shade « J’ai divisé ce morceau en trois petites histoires, et la dernière parle de ce sentiment que t’as pu avoir quand t’étais enfant et que t’es resté dehors trop tard. C’est presque la nuit, et t’es dans cette espèce de zone grise où tu te dis, “Putain, il est trop tard, j’aurais dû rentrer à la maison.” Mais ça vient avec ce moment super exaltant. Donc, “l’ombre” dont je parle est ce truc étrange entre deux endroits. On vit dans un monde assez complexe, et il y a quelque chose qui consiste à accepter cette complexité et à être en paix avec elle. Je pense que les gens essaient toujours de soigner le mal, mais je pense pas qu’on puisse le supprimer pour le faire disparaître. Donc c’est aussi ça que j’entends par “ombre” : on va pas guérir le monde du mal. Les gens vont continuer à se comporter comme des merdes, donc acceptons-le et trouvons le moyen le plus efficace et le moins destructeur de faire face à ça. » Height of the Feeling (feat. La Force) « Quand on chante ensemble avec Ariel [Engle, alias La Force], on est toujours en train de se marrer. Donc on s’est dit : “Comment faire pour mettre ce côté ludique dans une chanson ?” On a commencé avec l’idée de la dynamique d’un couple, et le fait que les deux versions de l’histoire se superposent simultanément. J’écrivais un texte et elle y répondait, ou vice-versa, puis on rigolait dans le micro et on enregistrait en même temps qu’on écrivait. C’était super décontracté, mais j’ai été très impressionné par le talent d’écriture d’Ariel. La plupart des meilleures lignes de la chanson viennent d’elle, comme “Did I give it away when my hands were shaking? [Est-ce que je l’ai donné quand mes mains tremblaient ?]” Et l’idée de “height of the feeling [hauteur du sentiment]” vient aussi d’Ariel, comme un moyen de mesurer l’ampleur d’un sentiment. J’ai trouvé ça superbe. » Ode to Vivian / Little Moments « J’adore jouer du piano solo et j’adore la musique instrumentale, mais ça peut être difficile d’intégrer ça dans mes projets. Mais cette fois-ci [avec “Ode to Vivian”], je me suis dit : “Et puis merde, on va juste l’inclure et voir ce qui se passe.” Ces deux chansons sont liées — elles ont toutes deux été inspirées par la photographe Vivian Maier. C’est un peu une héroïne pour moi. J’aime tout chez elle. Je sortirais avec elle si elle était encore là ! J’aime les petits moments qu’elle choisit — ces jolis fragments de la vie qui sont pas très importants, mais quand je les regarde je me dis : “Ouais, mais ça correspond tellement plus à notre vie que les trucs grandiloquents.” J’aime sa façon de célébrer les petits moments. J’ai pas un don naturel pour les textes, je dois travailler des mois pour chaque mot que je trouve. Donc parfois, j’aime bien regarder des photos et décrire les petits détails, littéralement, et puis ça donne de jolis textes à la fin. » Blue « Les gens utilisent souvent le mot “triste” pour décrire ma musique, mais honnêtement, je pense avoir écrit trois morceaux tristes dans ma vie. J’ai aucun intérêt à faire de la musique triste. Souvent, j’ai l’impression que les gens confondent calme et tristesse. Et je suis là genre, “Parfois, c’est bien d’être calme, ça veut pas dire qu’on est triste. On a pas toujours envie d’être à une soirée dansante”. Donc, cette chanson est plus un genre de célébration du bleu, qui est la couleur de la mélancolie. Et la mélancolie est un peu comme une drogue — c’est comme être défoncé, mais d’une manière différente. Quand tu t’enfonces dans la mélancolie, c’est toujours une forme d’évasion, comme aller à une soirée dansante, te défoncer ou fumer un joint. L’essence du morceau traite d’une dépendance à la mélancolie, comme si c’était une drogue dont on peut pas se défaire. » La La La La La « On enregistrait “Blue” à la campagne, et [son collègue de groupe] Mishka [Stein] nous a dit : "Jetez un œil à ces accords. On devrait écrire cette chanson plus tard.” Je me suis mis à chanter “La la la la la” sur les accords, et tout le monde s’est mis à chanter avec moi, c’était un moment super agréable. Et parfois, la musique consiste plus à capturer un moment qu’à passer six mois à arranger un morceau. Entre le moment où Mishka m’a montré les accords et celui où on a enregistré la chanson, une heure s’est écoulée. C’est une seule prise, en direct. On a fait ce truc où on se tenait en retrait du micro, puis on a commencé à s’en rapprocher — c’est pour ça que la voix devient de plus en plus forte. On se marrait tous pendant qu’on faisait ça, c’est un truc spécial à avoir sur un enregistrement. » Stay (feat. Sea Oleena) « C’est un truc à écouter tard le soir, quand t’es en train de tripper et de t’amuser. Avec Mishka on était de nouveau à la campagne, et j’ai pondu ce beat bizarre au modulaire, et je me suis dit, “C’est un beat vraiment bizarre. Ça sonne à la fois tellement étrange et vivant, comme le crépitement d’une cheminée”. On a improvisé par-dessus et ça a donné cette même prise — à part les voix féminines qu’on a ajoutées [de Sea Oleena]. »

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