Junior

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Parfois, avoir une date butoir est une bonne chose. « Il fallait toujours avancer, avancer, sans jamais regarder en arrière; on ne réécoutait jamais les séances précédentes », explique Dominic Berthiaume, le bassiste et chanteur de Corridor, à Apple Music au sujet de l’élaboration de Junior, troisième album du groupe et premier avec l’étiquette Sub Pop. « On a enregistré chaque idée, puis abandonné celles qu’on ne jugeait pas assez bonnes. C’était vraiment très intense. » Afin de livrer Junior à leur nouvelle maison de disques à temps pour garantir une date de sortie en 2019, le quatuor montréalais – complété par Julian Perrault (guitare), Jonathan Robert (guitare, chant) et Julien Bakvis (batterie) – ne s’est octroyé qu’une fraction du temps qu’il met habituellement pour façonner un album. Le résultat va droit au but et se classe parmi les meilleurs albums rock de l’année; on y entend un groupe (les premiers francophones à signer chez Sub Pop) en train de percer. « Quand on part un band, on ne sait pas ce qu’on fait et on ne sait pas ce qu’on veut », dit Berthiaume. « Mais plus on avance, plus c’est clair. En tant qu’artiste, l’important, c’est de toujours évoluer. C’est une des choses les plus difficiles à faire au fil des années. On aimerait rester comme on est, mais non. » Voici l’histoire de Junior, une pièce à la fois. Topographe « C’est une chanson qui parle de gens qui en observent d’autres, d’en haut. Jonathan fait une comparaison avec un gars qui trace des cartes topographiques en deux dimensions, tu vois? On venait juste d’acheter un synthétiseur, et je ne savais pas quoi jouer à la basse, alors j’ai improvisé quelques lignes de basse au synthé. Ça nous a pris du temps à la composer tous ensemble parce qu’aucun de nous ne savait quoi faire de ce riff de guitare, mais finalement, c’est Julien qui est arrivé avec cette séquence de grosse caisse explosive et enflammée. » Junior « On jouait à Québec, à trois heures de Montréal, et on avait emprunté l’auto des parents de Julian. Après le show, le lendemain matin, Julian nous a réveillés et il a dit : “Hé, les gars, avez-vous vu mes culottes?” Il s’était fait voler ses pantalons pendant la nuit, et il les a retrouvés une demi-heure plus tard, en bas des marches de la chambre où on dormait. Les clés de l’auto qui se trouvaient dans sa poche avaient disparu. On a dû appeler ses parents le lendemain pour leur dire : “On nous a volé les clés d’auto, vous devez descendre à Québec nous porter un double pour qu’on puisse ramener la voiture à Montréal.” C’était vraiment pénible… À 30 ans, appeler tes parents pour qu’ils viennent te chercher après un show, parce que tu t’es fait voler… C’est l’histoire du deuxième couplet. » Domino « On a un rituel quand on arrive dans la salle de pratique : tout le monde branche sa guitare, sa basse, sa batterie, et la plupart du temps, un de nous commence à improviser et tous les autres le suivent. On s’est mis à jouer ce riff pendant 10 minutes, et après ça, on s’est dit : “Merde, il est vraiment cool. Il faut en faire quelque chose.” Alors, on l’a enregistré sur mon iPhone pour plus tard. Ce n’est que plusieurs mois après qu’on a trouvé comment l’intégrer, lors d’une autre séance où on essayait de finir la toune. Quelqu’un y a repensé : “Vous vous rappelez ce “jam” qu’on avait enregistré il y a des mois? Ça irait bien là-dessus.” » Goldie « C’est bizarre : “Goldie”, ça parle de quelqu’un qui prend du plaisir à être violent, une satisfaction dans la violence. Goldie, c’est ce genre de personnage. On a mis un temps fou à terminer cette pièce. On tenait le riff principal de la chanson, il nous plaisait vraiment au moment où on l’a écrit. Mais on a eu beaucoup de mal à trouver d’autres accords qui colleraient dans cette chanson. Et puis Julien s’est acheté un nouveau pad d’échantillonnage, avec une ribambelle de sons complètement loufoques. Ça nous a donné le pont. Il a commencé à jouer un truc qui n’est même pas dans la toune. C’est grâce à ça qu’on y est arrivés. » Agent double « C’est la chanson la plus ancienne de l’album. On l’a composée pas longtemps après la sortie de notre deuxième album, Supermercado. Ça parle des gens qui s’isolent. Disons que tu as un bon chum, il rencontre une fille ou un gars, et il commence à se replier sur lui-même avec cette personne, il n’appelle plus ses amis ou sa famille. Jonathan ne voulait pas la mettre sur l’album parce qu’il trouvait qu’elle se démarquait, qu’elle était trop subtile, mais en fait non. On s’est disputés. Mais on l’a gardée et je suis bien content. » Microscopie « On a eu du fun à la composer. C’est très court et direct. On a ajouté tellement d’effets débiles, des échantillons de voix, des variations de tonalité, et des textures aussi, comme des bulles. Tout le monde a joué des bongos sur cette pièce. On était peut-être huit dans le studio, et tout le monde a eu sa chance. » Grand cheval « On était assis dans un parc, on prenait une bière, on avait du fun. Un gars se pointe et voilà qu’il essaie de nous dire ce qu’on devrait faire, comment se comporter; il se prenait pour un philosophe. Ça nous a fait penser à l’expression “monter sur ses grands chevaux”, qui veut dire que tu es frustré quand tu essaies d’expliquer ta façon de penser et que tu te rends compte que personne ne t’écoute. À la fin, on avait hâte qu’il s’en aille. C’est la chanson la plus douce de l’album, peut-être notre deuxième ballade à vie. C’est toujours notre son, mais dans un style plus calme. » Milan « Cette pièce parle de quelqu’un qui est mort à l’intérieur, quelqu’un d’amer et de profondément jaloux des autres, qui se concentre sur le côté négatif des choses plutôt que le positif. On a eu envie de s’amuser en studio. On a ajouté des échantillons d’accident de voiture, de bouteilles en verre qui tombent à terre. C’est une chanson beaucoup plus sombre que les autres de l’album. » Pow « C’est drôle. C’est une pièce qui évoque le fait de sortir de sa zone de confort, d’essayer de nouvelles choses, d’aller plus loin. En fin de compte, c’est ce qu’on a fait; ça reste une toune de Corridor, en un peu plus poussée et les guitares clinquantes en moins. On enregistre toujours nos chansons en direct, on joue tous ensemble, et par la suite on ajoute des éléments qu’on n’aurait pas pu livrer à quatre. Jonathan a eu la drôle d’idée de mettre un arpège de sa voix dans un programme d’échantillonnage. On prévoyait ajouter 10 échantillons de voitures de course, mais au final, il y en a peut-être quatre. » Bang « C’est une chanson qui parle de Jonathan et de tout ce qui lui arrive en ce moment. Il compose un album avec le groupe, tout va très bien, on va signer chez Sub Pop, on vit des belles choses. Mais ça ne l’empêche pas de se sentir épuisé et écœuré par tout le processus. C’est très introspectif, et à la fin, dans la toute dernière phrase, on crie quelque chose en français : “le lourd fardeau du pire enculé”, et c’est à lui que ça fait référence, au fait qu’il a été un enculé en cours de route, et particulièrement vers la fin. »

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