Moral Panic

Moral Panic

Qu’on se rassure : si Nothing But Thieves avait tout misé sur le pouvoir des guitares saturées avec son précédent EP, What Did You Think When You Made Me This Way?, le quatuor anglais reste fidèle à son style éclectique tout au long de son troisième album, Moral Panic. Comme sur ses premières sorties, son spectre sonore s’étend ici du mélange erratique de drum & bass et de rock plutôt lourd, présent dès l’ouverture, « Unperson », à la pop baléarique extatique de « There Was Sun ». « Quand on a commencé, on essayait juste de se trouver en tant qu’auteurs, en tant que musiciens », confie le guitariste, Joe Langridge-Brown, à Apple Music. « C’est vraiment un heureux hasard pour nous d’avoir trouvé cette diversité musicale dès le départ. Il y a tellement de groupes qui se sont déjà enfermés dans une niche au moment où ils sortent leur troisième album et pour eux, c’est très difficile d’en sortir. » Dans ce maelström sonore se déploient des textes qui parlent de l’état du monde actuel de plus en plus inquiétant — et qui s’incarnent dans les acrobaties vocales toujours au rendez-vous du leader du groupe, Conor Mason. « La chanson “Moral Panic” a été écrite juste après le pétage de plombs de Joe sur Twitter », explique Mason. « En gros, ça traite de l’effondrement du monde. On avait vraiment cette intuition-là : c’était ce dont on avait envie de parler sur l’album. Participer au débat. » Ci-dessous, Mason, Langridge-Brown et le guitariste-claviériste Dominic Craik racontent leur voyage, morceau par morceau. Unperson Dominic Craik : « C’est la dernière chanson qu’on a écrite pour l’album. C’était la dernière pièce du puzzle. Je me suis enfermé dans les loges et j’ai commencé à bricoler sur un nouveau logiciel pour fabriquer des glitches. Au début, c’était juste une boucle de 30 secondes, mais ça a servi de squelette à “Unperson”. On écoutait pas mal de trucs breakbeat à la The Prodigy, et tout ce genre d’hybridations électro rock hardcore agressives. On se disait : “Comment on peut faire ça à notre sauce ?” » Is Everybody Going Crazy? Conor Mason : « À nous trois, on a des goûts tellement éclectiques que ça donne toujours des trucs bizarres. Cette chanson, c’est l’incarnation de ce brassage. Ça a commencé avec une influence à la T. Rex. Et puis on s’est dit : “Comment s’écarter au maximum de ça ?” Donc on a rajouté une partie R&B sur le pré-refrain, avant de renverser le truc et d’arriver sur un refrain assez pop. On se rendait bien compte que chaque section de la chanson avait une identité propre — elles ont chacune leur univers. » Joe Langridge-Brown : « C’est dans les frontières entre les genres qu’on trouve les choses les plus intéressantes. C’est dans cette direction-là qu’il faut aller. » Moral Panic JL-B : « Dans cette chanson, on parle du changement climatique. On l’a écrite en plein mouvement social écologiste Extinction Rebellion. Ce qui m’a vraiment marqué, c’est que ça venait de la jeunesse. Le terme “moral panic” évoque pas mal de choses, mais dans cette chanson en particulier ça parle de ça. » CM : « Pour moi, on dirait une chanson pessimiste de Hall & Oates. Si quelqu’un te disait : “Est-ce que t’as envie d’écouter une chanson pessimiste de Hall & Oates”, tu répondrais forcément oui. » Real Love Song DC : « On était en Malaisie, dans une région du monde où t’entends des ballades et des chansons d’amour partout, sur toutes les radios. On faisait une interview, et la personne nous a demandé : “Votre groupe n’a pas tant de chansons d’amour...” Et moi j’étais en mode : “Eh ben, on en a quelques-unes… mais oui, dans le fond, vous avez raison.” Je me suis toujours dit que j’essaierais de pas trop en écrire, parce qu’il y en a tellement. J’étais en mode : “OK, ça c’est le grand amour, rien à voir avec la chanson d’amour hollywoodienne.” Mais c’est aussi une mise en abyme. Il y a souvent un fossé entre le sujet des chansons, et ce qu’elles racontent vraiment, et c’est cette ironie qu’on a voulu mettre en avant. » Phobia JL-B : « Je ne sais pas trop comment le public va recevoir cette chanson, parce que le personnage principal a beaucoup de défauts. Et on étale tout au grand jour. On passe tellement de temps à essayer d’être à la hauteur d’un certain idéal que c’est vraiment intéressant d’écrire des chansons sur quelqu’un de tourmenté. » CM : « C’est une époque où on était très influencé par le hip-hop et le R&B, et ça faisait un moment qu’on avait envie d’expérimenter ces voix intimes, chuchotées. Ça allait bien avec la musique et les paroles. Quand on lit le refrain, on se rend compte que c’est super dark — on dirait que nos démons intérieurs sortent tous et qu’on en parle ouvertement. On va pas leur crier dessus, on va leur faire peur jusqu’à ce qu’ils partent d’eux-mêmes. » This Feels Like the End DC : « On a été pas mal influencés par The War on Drugs sur celle-là, mais avec le refrain, on est plus revenu à un son traditionnel, où on se contente de jammer et de jouer des chansons, comme sur “Amsterdam” [single de 2017]. Juste Nothing But Thieves, dans la même pièce... » JL-B : « Ça faisait des semaines que j’avais l’idée du refrain dans ma tête, mais je savais pas dans quelle direction aller. Donc j’attendais de pouvoir retrouver les garçons pour pouvoir bosser dessus dans la même pièce. Ça faisait des semaines qu’on avait trouvé le pont et le riff qui allait avec, et j’ai eu l’idée de mettre un discours dessus. J’ai écrit le discours et on a fait passer des auditions à plusieurs personnes sur Los Angeles. On a choisi ce gars, Sandy, et il s’en est super bien sorti. » Free If We Want It JL-B : « Pour être tout à fait honnête, « Free If We Want It », c’est ma chanson préférée de Nothing But Thieves. Je suis un grand fan de Tom Petty, et on retrouve un peu ce style-là sur tout le morceau. Toutes les différentes sections s’enchaînent super naturellement, ce qu’on fait pas toujours — surtout quand on essaie des nouveaux trucs. C’était important, sur un album avec des textes aussi sombres, d’avoir un peu plus de légèreté à certains endroits. » CM : « J’ai tout donné dans cette performance. » Impossible JL-B : « C’est Dom qui a sauvé cette chanson. Ça faisait mille ans qu’on essayait de l’écrire ensemble, on se prenait la tête pour essayer de comprendre en quoi elle consistait et où il fallait qu’elle aille. Dom a bossé dessus de son côté et il a essayé avec des accords complètement différents de ceux qu’on jouait habituellement sur le refrain. On était en mode : “Ah mais voilà, c’est ça la chanson !” On était vraiment pas loin de la mettre à la poubelle. » There Was Sun CM : « C’était notre dernière escale ; on voulait que tout soit en place avant de s’occuper de celle-là. On est vraiment fiers de ce que ça a donné, parce qu’on n’était pas sûr du résultat. On adorait la mélodie et les paroles et on se disait : “Il y a une vraie chanson qui se cache là-dessous, faut juste trouver comment la rendre présentable.” » DC : « Le mot d’ordre pendant l’enregistrement, c’était “psychédélique”. Pas littéralement — vu que déjà que sobres on n’est pas très efficaces. La démo faisait un peu penser à ABBA, alors on l’a prise et on en a fait une chanson psychédélique moitié ABBA, moitié Daft Punk. » Can You Afford to Be an Individual? DC : « La transition entre “There Was Sun” et “Individual”, c’est mon moment préféré de l’album. Dès qu’on l’a finie, on s’est dit : “OK, ça c’est une bonne chanson.” On a trouvé le riff à Portland, en tournée, et après on a découpé les pistes vocales de Conan avec ce nouveau logiciel. » CM : « Je pense que c’est comme ça qu’on a trouvé les paroles, en découpant les mots. Si je me cache dans la cabine d’enregistrement pendant les sessions, c’est tout simplement parce que je deviens dingue quand j’enregistre. On retrouve bien cette folie dans cette chanson. » Before We Drift Away CM : « C’est une bonne chanson pour finir un concert. On avait vu Blur en 2015, et ils finissaient sur “Tender”, qui fait un peu penser à celle-là. Dès qu’on l’a terminé, on s’est dit : “Bon, et bien c’est la fin de tout ce truc-là...” » JL-B: « L’idée de finir un album nommé Moral Panic, où on aborde notre rapport au monde comme quelque chose d’assez douloureux, sur une note aussi méditative, avec le passage : “I don’t want to grow old [Je ne veux pas vieillir], qui est aussi le dernier truc qu’on entend, je trouvais ça vraiment fort. »

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