ATLAS

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Après deux ans d’absence, Twinsmatic revient en 2020 avec un premier LP. Durant l’intervalle, le producteur-compositeur-interprète parisien n’a pas pourtant pas perdu de temps, produisant pour Damso, Dosseh, Lacrim... et surtout Booba, qui introduit au rap français cet artiste bercé de sons US. Avec ATLAS, un album collaboratif — et son premier projet entièrement francophone —, Twinsmatic signe un concept ambitieux, qui pioche avec brio des deux côtés de l’Atlantique. Ci-dessous, le producteur parisien se confie à Apple Music sur les défis qui ont accompagné la réalisation de l’album, revient sur la place qu’il occupe au sein de la scène francophone et salue les artistes qui ont apporté leur pierre à l’édifice. Ton dernier projet remonte à deux ans. Impatient de te remettre dans la course ? Oui, vraiment. Malgré les évènements, je suis impatient que le projet sorte. C’est un projet que j’ai commencé il y a un peu plus d’un an mais qui me tient toujours à cœur. C’est vrai que ça fait longtemps que j’ai pas lâché de son et en termes de niveau, il y a un cap qui a été passé par rapport à ce que je faisais avant, même par rapport au concept de l’album. J’ai hâte que les gens écoutent. En fait, tous les sons s’enchaînent sans temps de pause, comme si c’était un long mix. Donc il y a ce côté un peu concept et technique, à la fois qui me plaît énormément à moi et qui peut faire qu’un projet sorte du lot. C’était un concept que t’avais déjà en tête avant de composer les morceaux ? Non, ça s’est fait au feeling. C’est une idée que j’avais depuis un moment mais je savais pas sur quoi l’appliquer réellement, sur quel type de projet, de format. Je pense que c’est à partir du moment où j’ai eu trois ou quatre morceaux de l’album que j’ai essayé de les enchaîner. Et comme je trouvais que ça rendait bien, j’ai continué à faire des sons à partir de là et après j’ai créé les transitions. C’est pas un truc qui était déjà tout fait, j’ai dû m’adapter au fur et à mesure. Techniquement, ça s’est passé comment ? Tu t’es contenté de rajouter des interludes ou t’as été obligé de modifier les morceaux en changeant les bpm ou les tonalités, par exemple ? C’est exactement ça. En vrai, ça dépend de fou. Il y a des morceaux où ça s’enchaînait bien sans changer la tonalité ou les bpm et il y a d’autres morceaux ou j’étais « bloqué », parce que c’était pas sur la même gamme ou sur le même bpm. Mais il fallait qu’on reste dans le même univers d’un morceau à l’autre, donc c’est arrivé que je change le bpm ou la tonalité progressivement. C’est un concept que t’avais déjà entendu dans des albums, ou c’est une idée qui t’est venue comme ça ? C’est un truc que j’avais déjà entendu. Après, peut-être pas sur tout un album, à part pour Justice. C’est un truc très French touch, un schéma à la Daft Punk ou à la Justice. Dans l’architecture de l’album, il y a une approche très électro, pas du tout urbaine ou hip-hop. Et après, c’est un truc que j’avais déjà entendu niveau urbain. Il devait y avoir Kanye [West], par exemple, qui avait joué là-dessus ; Drake aussi. Et puis Timbaland, surtout sur ce qu’il avait fait avec Justin Timberlake sur son deuxième album, où t’avais ces trucs de transition qui me rendaient complètement ouf et qui m’ont toujours impressionné. Après, sur tout un projet, comme moi je l’ai fait, je l’avais jamais entendu. Mais c’est vrai que je me suis beaucoup inspiré de trucs qui existaient déjà, c’est juste que j’ai poussé le truc un peu plus loin. Au début, Twinsmatic ne sortait que des EP. Pourquoi avoir voulu passer à un format plus long ? En vrai, je sais même pas si je considère ça comme un album, tu vois. C’est un format qui n’est pas du tout conventionnel, on est loin de l’album standard où t’enchaînes single sur single. Ma vision, c’était pas de faire un album à singles, mais plutôt un album que t’écoutes de A à Z. Après, t’as des moments forts propres à toi-même que tu peux réécouter de manière isolée, mais moi je le vois plus comme un film. En vrai, y a pas vraiment de changement par rapport aux EP qu’on a sortis parce qu’il y avait déjà un peu ce truc-là avec ces raccords au niveau de l’atmosphère. On passait pas d’un morceau à un autre complètement différent en termes de genres ou en termes de bpm. T’avais toujours un peu cette cohérence-là, donc c’est dans la continuité de ce qu’on avait fait avant, mais sur un format plus long. Je dirais que c’est un album parce qu’il faut mettre une étiquette, mais je pense que c’est un truc qui reste assez spécial en termes de format. À la base, on vous connaît plutôt pour vos influences US. Pourquoi avoir choisi de passer du français à l’anglais ? Forcément, je me suis mis à écouter plus de rap français à partir du moment où j’ai commencé à collaborer avec Booba. Le turning point, il a été au moment où j’ai commencé à être vraiment investi, notamment sur ses derniers albums, où on était très proches. Du coup, en termes de musique, il fallait avoir ce côté très cainri que lui il kiffe et que moi aussi je kiffe — tout en s’adaptant au marché français. C’est quoi la différence de son entre les deux ? C’est pas facile à expliquer parce que c’est des nuances, mais c’est sur des sonorités, des genres qui sont plus « propres » aux États-Unis. T’as les sonorités qui viennent de la West Coast, t’as le côté très Atlanta, trap, ou le côté Miami qui est trap aussi mais différent, qu’on a un peu mélangés, on va dire retranscrits mais de manière française. Après le côté cainri, ça se retrouve dans le flow que Booba peut avoir, dans les bpm que moi j’ai utilisés. En vrai, c’est plein de petites nuances. Mais oui, c’est quand j’ai commencé à travailler avec Booba que j’ai commencé à m’intéresser au marché français et pas uniquement au rap. En parlant d’artistes français, tu as aussi travaillé avec Christine & the Queens, qui elle aussi penche pas mal du côté des États-Unis. Oui, mais ce son-là, il était en anglais. Parce qu’elle a aussi ce truc très américain. Même Chris, quand t’écoutes son dernier projet, c’est un format qui est assez original pour le marché français ; mais qui est aussi plus adapté à l’international. De par les sonorités et l’image, on a des nuances qui font qu’il y a un truc différent du marché français. Et donc à partir de là, j’ai voulu faire un projet avec des acteurs de la scène hip-hop française ; et aussi urbaine parce que c’est pas uniquement hip-hop et rap. C’est vrai qu’il y a pas mal de gars qui rappent dans l’ensemble, mais on est quand même sur ce truc rap-chant. On te connaît aussi en tant qu’interprète. Tu chantes sur cet album ? Non, seulement sur le premier morceau, l’intro avec Marj, où il y a ma voix en retrait. C’était une topline que j’avais mise de côté, et une fois, on était en session avec Marj et elle a posé dessus. J’ai gardé le truc tel quel. Comme je trouvais que nos voix se mariaient bien, j’ai laissé ma voix et je l’ai mise en fond, au second plan. Parce que sur ce projet-là, c’est pas un truc qui me tenait à cœur de me positionner en tant que chanteur ou rappeur, en tout cas en tant qu’interprète frontal. C’est pas du tout un truc qui m’intéressait. Là je voulais vraiment laisser la place aux autres, et moi garder cette position de chef d’orchestre, producteur. Et tu n’es pas non plus intervenu sur les textes ? Non, sur les textes j’ai laissé carte blanche à tous les artistes. Je suis juste intervenu sur les structures, quand il fallait les retravailler, ou sur du recording — plus de la réal’ en fait. J’étais là pour les driver, mais en ce qui concerne les textes, je préférais laisser les artistes faire leur truc. Les gars, si je les invite, c’est pour leur faire confiance. Tu vois, c’est comme si moi demain il y a un mec qui m’appelle pour travailler avec lui et qui me dit comment faire la prod, au final je lui dirais : « ben fais la prod, t’as pas besoin de moi ». C’est un respect mutuel, tu vois, j’ai pas besoin d’intervenir, sauf si le mec il dit une dinguerie de fou [rires] ! Mais là, c’était pas le cas, j’apprécie le taf de tous les gars que j’ai invités, et ma façon de respecter leur taf, c’est de les laisser faire ce qu’ils font le mieux. Comment tu as choisi les invités sur l’album ? Il y a autant d’artistes, on va dire confirmés, avec plus de notoriété, que d’artistes en développement. Parce qu’il y a ces deux types de profils sur l’album, t’as autant des gars comme SCH, Koba LaD, que des plus petits profils comme Marj ou Ash Kidd ou Slimka. Rien que le fait qu’ils acceptent d’être sur projet, et d’entrer dans mon univers, en acceptant mes conditions, pour moi c’est un pas de ouf. Je remercie tous les artistes d’avoir accepté et de m’avoir fait confiance, c’est un truc de fou. Pour moi tous ces feats sont précieux. Après il y en a qui se détachent, par exemple SCH moi je le connaissais pas, je lui ai envoyé un message sur Insta et ça s’est fait direct, le mec a pas chipoté et une semaine après, il m’a envoyé le son. C’est le seul qui a été fait à distance, avec quelqu’un que je connaissais pas. Après, tous les autres, c’était des gens que je connais, avec qui j’ai travaillé ou avec qui je vais travailler. En vrai, c’est vraiment propre au morceau. Tous les morceaux sont uniques, ils sont tous singuliers, c’est comme les feats que j’ai faits, ils sont tous uniques et ils ont tous leur singularité. C’est ce qui fait que je suis obligé de tous les mettre sur le même pied d’égalité, parce qu’ils ont tous eu leur petit truc magique quand ça s’est fait. Comment se passait l’enregistrement, concrètement ? J’ai un studio dans le 19e, pas très loin de chez moi, à côté du 20e. En gros, je faisais venir les artistes avec qui j’ai travaillé, je leur expliquais le concept de l’album. J’avais déjà quelques morceaux de prêts et on démarrait tout de suite. Et généralement, dans la soirée, c’était fini. En fait, ce qui m’a pris le plus de temps c’était de capter les gars, de faire en sorte que niveau planning tout le monde soit dispo. Mais après, une fois en studio, on commence vers 18h et vers quatre heures du mat, le son est fini. Et apparemment, t’as aussi des projets de collabs outre-Atlantique, je pense notamment à OVO, le label de Drake. En fait je les connais depuis longtemps, ils m’ont contacté à partir du troisième album de Drake, je crois. Ils m’ont invité à Toronto pour rencontrer les teams et voir comment ça se passe. C’était pendant le OVO Fest, peut-être deux semaines avant la sortie de l’album Nothing Was the Same [de Drake]. Du coup, j’ai pas fait le cut parce que c’était vraiment trop short. Et comment tu vois le projet Twinsmatic évoluer par la suite ? Tu es assez discret sur les réseaux sociaux... Franchement, je vais être honnête avec toi, je sais pas. C’est juste un truc qui me tient à cœur, que je laisse là, comme ça, et après on verra si ça prend ou pas. Si ça prend, tant mieux, si ça prend pas, c’est pas grave je continuerai. Après, le fait de pas trop communiquer, c’est un choix parce que je préfère que la musique parle d’elle-même plutôt qu’autre chose. Comment je vois le truc évoluer ? Un projet après l’autre, travailler avec de nouveaux artistes, élargir le spectre.

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